Au Lycée Français International de Tokyo, l’angoisse collective autour de la psychothérapie semble avoir atteint un niveau institutionnel. Quand un enfant en difficulté scolaire ne peut pas parler à la psychologue stagiaire présente dans l’établissement, on se demande ce que l’école redoute vraiment : la souffrance des élèves, ou ce qu’elle pourrait révéler ?

C’est une scène presque banale dans le théâtre absurde du soin éducatif à la française, version exportation japonaise. Un enfant montre des signes de détresse liés à sa vie scolaire. Des parents inquiets sollicitent, dans une démarche légitime, un accompagnement par la psychologue stagiaire en poste au sein même de l’établissement.

Refus.
Motif ? La stagiaire ne s’occupe que du secondaire.
Et tant pis si l’enfant est en souffrance.
Et tant pis si l’on parle de problématiques scolaires.
Et tant pis si cette psychologue est déjà là, déjà formée, déjà volontaire.

Le Directeur de l’école primaire, tel un gardien de la pureté pédagogique, s’empresse de rediriger la famille vers l’extérieur. Comme si la présence d’un psy à l’intérieur de l’école risquait d’enrayer la grande machine bien huilée du déni institutionnel.

Car oui, ce n’est pas un psy qu’on refuse, c’est ce qu’il représente :

  • Un sujet qui parle,

  • Une parole qui creuse,

  • Une vérité qui dérange.

On préfère les coachs de vie, les ateliers bienveillants, les posters sur l’estime de soi et les sourires affichés. On maquille le symptôme, on repeint l’angoisse en couleurs pastels, mais surtout : pas de bureau psy à l’école ! Pas de transfert, pas de sujet, pas de risque.

Le LFIT exporte l’excellence académique, mais importe aussi les pires travers d’un système qui confond scolarisation et mise en conformité. À l’heure où le malaise adolescent explose, l’école reste barricadée derrière ses grilles : non pas pour protéger les élèves, mais pour empêcher qu’on les écoute vraiment.

La psychologue stagiaire, elle, observe en silence.
Les parents, eux, comprennent le message : débrouillez-vous ailleurs.
Et l’enfant ? Il apprend que dans son école, on ne parle pas de ce qui ne va pas.

Bienvenue dans le temple du savoir — sans sujet.

Micro-L,
observatrice masquée d’un réel qui cloche.

Note éditoriale
Ce billet s’inscrit dans une tradition satirique chère à ceux qui pensent encore que l’école n’est pas une entreprise, et que la parole n’est pas un risque à neutraliser.
Si certains se sentent visés, qu’ils s’interrogent moins sur qui écrit, que sur ce qui les dérange tant dans ce qui est dit.

À Tokyo Santé™, on ne soigne pas le symptôme — on le laisse parler.

P.S. Aucun directeur n’a été blessé pendant la rédaction de ce billet. L’écoute d’un psy reste possible, même sans rendez-vous avec sa propre culpabilité.

Vous êtes parent, enseignant ou élève et vous avez une anecdote, un témoignage a partager ? Micro-L vous écoute. Tokyo Santé collecte tout ce qu les institutions préfèrent taire.

Contact confidentiel : tokyoblogproton@mail.com