Scène : Le coup de fil

Micro-L appelle Le Patron. Elle est concise. Il écoute. Il répond. La ligne est bonne, le ton feutré.
Micro-L : J’ai reçu une réponse de Madame G.
Le Patron : Ah.
Micro-L : Trois lignes. Pas de bonjour. Elle dit : “Je n’ai pas le temps pour ce genre de chose.”
Le Patron : Classique. Le genre est indéfini, la chose est tuée.
Micro-L : Elle maîtrise les signifiants. Philosophe, psychanalyste, figure publique. Mais là, rien. Pas même un refus stylisé. Juste… le mot « chose ».
Le Patron : C’est ça qui t’étonne ? Moi je trouve ça cohérent. On ne refuse bien que ce qu’on a vaguement reconnu.
Micro-L : Tu crois que c’est un geste de neutralisation ? Ou un mépris ?
Le Patron : C’est une clôture. Une porte qu’on ferme sans même regarder qui se tenait là. Mais c’est peut-être ça, aujourd’hui, la gestion du discours : ne pas répondre à ce qui n’est pas déjà validé.
Micro-L : Tu veux qu’on abandonne la rubrique ?
Le Patron : Non. On l’ajuste. On passe à la fiction. On fait parler ceux qui se taisent. On n’exhibe pas le refus. On le travaille.
Micro-L : Donc on continue.
Le Patron : Évidemment. Tokyo Santé n’est pas un espace de captation de jouissance. C’est un lieu de déplacement du symptôme. Et ce n’est pas “ce genre de chose”.
Micro-L (sourit) : Très bien. Je relance le montage. À bientôt, Patron.
Le Patron :
Toujours à l’écoute.
La ligne se coupe. Le silence reste. Mais il est habité.