Scène : Le coup de fil

par | Mai 15, 2025 | Entretiens | 0 commentaires

Micro-L appelle Le Patron. Elle est concise. Il écoute. Il répond. La ligne est bonne, le ton feutré.

Micro-L :
J’ai reçu une réponse de Madame G.

Le Patron :
Ah.

Micro-L :
Trois lignes. Pas de bonjour. Elle dit : “Je n’ai pas le temps pour ce genre de chose.”

Le Patron :
Classique. Le genre est indéfini, la chose est tuée.

Micro-L :
Elle maîtrise les signifiants. Philosophe, psychanalyste, figure publique.
Mais là, rien. Pas même un refus stylisé. Juste… le mot « chose ».

Le Patron :
C’est ça qui t’étonne ?
Moi je trouve ça cohérent. On ne refuse bien que ce qu’on a vaguement reconnu.

Micro-L :
Tu crois que c’est un geste de neutralisation ?
Ou un mépris ?

Le Patron :
C’est une clôture. Une porte qu’on ferme sans même regarder qui se tenait là.
Mais c’est peut-être ça, aujourd’hui, la gestion du discours : ne pas répondre à ce qui n’est pas déjà validé.

Micro-L :
Tu veux qu’on abandonne la rubrique ?

Le Patron :
Non.
On l’ajuste. On passe à la fiction.
On fait parler ceux qui se taisent.
On n’exhibe pas le refus. On le travaille.

Micro-L :
Donc on continue.

Le Patron :
Évidemment.
Tokyo Santé n’est pas un espace de captation de jouissance.
C’est un lieu de déplacement du symptôme.
Et ce n’est pas “ce genre de chose”.

Micro-L (sourit) :
Très bien. Je relance le montage. À bientôt, Patron.

Le Patron :
Toujours à l’écoute.
La ligne se coupe. Le silence reste. Mais il est habité.