Ascenseur, Ligue 1 et fantasme de surface de réparation

par | Mai 14, 2025 | Fragments d'analyse | 0 commentaires

Je rentre chez moi. Fin de journée. Je suis dans l’ascenseur. Il s’arrête. Quatre personnes montent : deux hommes, deux femmes. Et là, sans transition, une pensée me traverse — brutale, primitive, irrécupérable : ça sent le cul.

Je dis rien. Mais c’est là, palpable. Une tension hormonale, flottante, presque vintage, comme l’écho d’un fantasme collectif à huis clos.

Un des gars se tourne vers moi, hilare :
— « What do you from? »

Traduction maison : Where are you from.
« French. »

Et là, comme si j’avais dit Open Sesame, son pote surgit avec un cri du cœur :
— « Mbappé! »

Bon. D’accord. Maintenant, la France est passée de la baguette à Mbappé en passant par Amélie Poulain. Les Japonais ont cru que c’était Paris, ils se retrouvent avec une affiche PSG dans l’imaginaire.

Je souris.
Il insiste :
— « Dembélé! PSG! »

OK. On y est. L’ascenseur a muté en vestiaire humide de Ligue 1. Le mec est chaud. Pas « sympa-chaud », non. Chaud-balle-au-centre, version libido sans détour. On sent qu’il rêve de marquer, et pas dans une cage en cuir synthétique si tu vois ce que je veux dire.

Et là, détail fondamental : les deux femmes sont avec eux. Elles gloussent un peu, baissent les yeux, font du tatemae — cette politesse japonaise qui dissimule plus qu’elle ne révèle. Mais soyons clairs : elles n’attendaient pas une partie de shōgi. Elles aussi ont faim de but.

On se croirait dans un mauvais film de Marc Dorcel. Version ascenseur, budget moquette.
Une scène où les mots trébuchent, où les corps parlent. Un fantasme se joue — ou se répète — entre quatre parois métalliques.

L’ascenseur s’ouvre. Je fais un pas.
Le mec me regarde, sourit, et me tend la main : check.
Clap de fin. Virilité scellée.
Complicité dans le non-dit. Peut-être même, reconnaissance d’un regard capté.

Et moi ? Pas voyeur, pas acteur. Juste là, à la place de celui qui capte. Témoin d’un petit théâtre symptomatique, où l’inconscient pousse la porte entre deux étages.

L’ascenseur monte. Mais ce n’est pas le seul.

Par le patient