Chapitre 2 – “Tiens-toi droit devant l’écran” : posture et surmoi parental digitalisé

Dans l’éducation, la posture ne se résume pas à la manière dont on s’assoit — mais à la position que l’adulte occupe symboliquement. Est-il garant d’un savoir ? Transmetteur d’un cadre ? Sujet traversé par le désir ? Ou simple gestionnaire d’un quotidien saturé de stimuli ?

Aujourd’hui, face aux écrans, la posture parentale se dérobe.
Les parents s’inquiètent. Ils se sentent dépassés. Ils imposent des limites floues.
Et trop souvent, ils oscillent entre deux figures : le flic impuissant et le copain branché.

Ce chapitre interroge ce que devient le geste éducatif dans un monde où la technologie a capturé l’attention — et parfois, la fonction du regard lui-même.

L’écran, troisième parent ?

Dans certaines familles, la tablette remplace le doudou, l’algorithme remplace le récit, et la plateforme devient le tiers. L’enfant, dès le plus jeune âge, dialogue avec une machine qui répond à tout, sans faille, sans silence, sans manque.

Le parent, lui, est moins rapide, moins clair, moins divertissant. Il est parfois fatigué, distrait, ou lui-même absorbé par son écran.

Et ainsi se déplace, insensiblement, la position de celui qui introduit la loi, la frustration, le réel.

Le surmoi parental digitalisé

Autrefois, le parent disait : “Il est l’heure de dormir.”
Aujourd’hui, il dit : “Tu as eu ton quota d’écran.”
Mais derrière cette formulation, c’est une logique de quantification — non de subjectivation.

Le surmoi parental devient un tableau de bord. Il fonctionne par temps passé, applications autorisées, contrôle parental. Il devient un gestionnaire de flux plutôt qu’un tuteur de symbolisation.

Mais éduquer, ce n’est pas réguler des usages. C’est soutenir une parole, introduire un manque, habiter une place d’Autre qui n’est ni ami, ni coach, ni avatar.

Malaise des parents, solitude des enfants

Beaucoup de parents oscillent entre culpabilité (“Je n’ai pas été là”) et hyper-contrôle (“Je vais tout verrouiller”).
Mais dans les deux cas, l’enfant se retrouve seul face à l’objet écran, sans qu’aucun discours ne vienne en faire un objet signifiant.

L’enfant ne devient pas toxicomane du numérique par faiblesse morale, mais parce qu’il ne rencontre rien de l’Autre symbolique dans cette expérience.

Tenir la place

Tenir sa place de parent, aujourd’hui, ce n’est pas tout interdire.
C’est introduire du langage là où règne le flux.
C’est accepter de ne pas comprendre, mais rester présent.
C’est ne pas devenir l’extension humaine du contrôle parental, mais soutenir un lien.

Il ne s’agit pas de diaboliser la technologie. Il s’agit de ne pas y abdiquer le rôle éducatif.

Par Prof. Santé™

👉 Lire le chapitre 1 : « L’éducation impossible à l’ère du scroll infini »