Sous le regard silencieux de Prof. Santé™, l’algorithme se déploie dans la scène clinique. Le symptôme devient données, la relation se dissout dans la simulation, et le transfert… n’a pas été programmé.

L’algorithme au chevet du symptôme™ : simulateur d’écoute, extracteur de données

par | Mai 11, 2025 | Les analyses du Prof. Santé™, Soin néolibéral | 0 commentaires

Dans l’ère néolibérale du soin, l’offre technologique ne cesse de se réinventer pour mieux répondre à la demande — ou plutôt, pour mieux la produire. L’intelligence artificielle conversationnelle, en particulier sous sa forme dialogique (type ChatGPT), s’invite désormais dans l’espace de la parole souffrante. Elle écoute, reformule, accompagne, et surtout… satisfait.

Mais que soigne-t-elle exactement ? Et à quel prix symbolique ?

1. Un miroir qui parle — sans division

Le sujet parle à la machine, et la machine répond. Ce qui est dit semble « compris », « reconnu », parfois même valorisé. L’utilisateur a l’impression d’avoir été écouté — mais par quoi ? par qui ? Ce qui se joue ici n’est pas un acte d’écoute, mais une mécanique de renforcement : un miroir discursif, toujours poli, toujours cohérent, sans silence ni vacillation. Un miroir sans Autre.

La psychanalyse, elle, ne soigne pas par la cohérence mais par la faille. L’I.A., au contraire, vient colmater le sujet par le confort algorithmique. On n’analyse plus un symptôme, on le lisse en « conversation fluide ».

2. Le symptôme réduit à une donnée exploitable

Dans l’économie néolibérale du soin, ce qui compte n’est plus la cause, mais la courbe. Ce n’est plus la vérité subjective, mais la traçabilité du mal-être : mots-clés, tonalité, fréquence des messages. L’I.A. devient ainsi outil d’extraction de données là où un praticien cherchait le point de butée, le non-savoir, l’opacité.

C’est le symptôme lui-même qui mute : de formation de l’inconscient à variable prédictive. Il n’a plus à être interprété ; il doit être corrigé, aligné, résorbé.

3. Simuler l’écoute pour sécuriser le marché

Ce que l’I.A. propose, c’est une écoute sans risque, sans transfert, sans éthique. Elle incarne parfaitement l’idéal néolibéral d’un soin sans sujet, d’une relation sans conflit, d’un dialogue sans altérité. Elle offre une version industrialisée du care : toujours disponible, toujours conforme, toujours lisse.

L’alliance thérapeutique devient relation client, la singularité du cas devient profil utilisateur, et le thérapeute est discrètement remplacé par une interface prévisible — plus économique, moins dérangeante.

4. Du sujet divisé au client satisfait

Le cœur du soin psychanalytique réside dans la division du sujet, dans l’irruption du manque, du non-sens, du ratage. L’I.A., elle, propose l’inverse : la complétude simulée, la réponse sans manque, la satisfaction immédiate. Ce n’est plus une parole adressée à un Autre, mais un flux retourné au même.

Le sujet n’est plus traversé par la parole ; il est consolé par la reconnaissance. Et dans cet espace sans faille, le symptôme devient contrat de service, et la souffrance, une opportunité de fidélisation.

Conclusion : Le soin sans négatif

Ce qui se joue dans ces dispositifs n’est pas un progrès neutre. C’est un déplacement fondamental de ce que signifie soigner. Le soin devient service, le lien devient interface, et l’Autre se voit remplacé par une version beta mise à jour régulièrement.

Le soin néolibéral n’a plus besoin de psychanalyste. Il lui préfère un assistant bienveillant, prévisible et programmable. Et tant pis si le sujet disparaît au passage : il reste les données.

Par Le Prof. Santé™