Les Barons de la Tech – Peter Thiel, épisode 2

« Le monde appartient à ceux qui s’en affranchissent. » P.T
Cet entretien est fictif. Toute ressemblance avec des figures réelles est pleinement assumée. Tokyo Santé est un laboratoire critique de la subjectivité contemporaine.
Il croit à la souveraineté de l’individu, méprise la démocratie, finance les start-ups comme on bâtit des avant-postes impériaux. Peter Thiel n’a jamais caché sa méfiance envers le monde commun. Pour lui, l’innovation est un acte de guerre. Dans cet entretien, Micro-L l’interroge sur sa vision de l’humain, de la société, et de ce que l’on fait quand on veut « disrupter » jusqu’au lien social.
Micro-L :
Peter Thiel, bonjour. Vous êtes connu pour vos investissements visionnaires, mais aussi pour vos prises de position radicales : méfiance envers la démocratie, soutien à des régimes forts, rêve de cités flottantes en dehors des lois. Est-ce que vous vous considérez comme un penseur politique ?
Peter Thiel :
Non. Je suis un entrepreneur. Et un entrepreneur, par définition, ne demande pas la permission. Il agit. Les structures démocratiques sont lentes, conservatrices, prises dans des contradictions. La technologie nous offre la possibilité de contourner ces limites.
Micro-L :
Contourner la loi, c’est aussi contourner l’Autre. Celui qui résiste, qui pose une limite.
Vous rêvez d’un monde sans entrave, mais est-ce encore un monde habitable pour des sujets parlants ? Ou seulement pour des agents d’efficience, optimisés pour produire ?
Peter Thiel :
L’Autre, comme vous dites, est souvent un frein. La majorité est hostile au changement. Je ne veux pas convaincre tout le monde, je veux permettre à ceux qui sont capables de créer un monde différent… de le faire.

Micro-L :
Donc, un monde pour les élus ? Pour ceux qui « savent » ?
C’est une vision post-politique, au fond : le lien social n’est plus à construire, mais à outsourcer. Ceux qui n’ont pas les codes n’ont qu’à suivre ou disparaître ?
Peter Thiel :
Je dirais plutôt : chacun doit prendre ses responsabilités. La technologie offre une autonomie radicale. Pourquoi vouloir forcer les gens à rester dans des systèmes défaillants ? Ce que je propose, ce sont des espaces d’expérimentation. La démocratie est un produit historique, pas un dogme.
Micro-L :
Mais ces « espaces » ressemblent à des enclaves. Des zones franches du symbolique.
Vous parlez d’expérimentation, mais vous financez des projets de longévité, de contrôle génétique, d’extraction de ressources hors Terre. Ce n’est pas seulement de l’autonomie — c’est une souveraineté absolue, hors dette, hors filiation, hors histoire.
Peter Thiel :
Exactement. L’histoire est un piège. Une succession d’erreurs répétées. La technique peut nous en libérer. Il ne s’agit plus de croire, mais de concevoir. La mort elle-même est un problème d’ingénierie.
Micro-L :
Et vous croyez pouvoir concevoir un homme sans mort ?
Un homme sans limite ?
C’est peut-être là que réside le cœur de votre fantasme : échapper à la castration symbolique, au prix d’un effondrement du commun.
Peter Thiel :
La notion même de « commun » est un artefact idéologique. Les individus sont seuls. Certains veulent l’ignorer. Moi, je préfère leur donner les moyens de le devenir pleinement.
Micro-L :
Et si la solitude n’était pas une vérité anthropologique, mais un effet politique de votre propre discours ?
Si l’individu radical était un effet secondaire d’un monde désymbolisé, où tout est comptable, mais rien n’est partageable ?
Peter Thiel :
(Il se penche légèrement en avant)
Vous pouvez tourner ça comme vous voulez. Le futur n’appartient pas aux consensus. Il appartient à ceux qui le construisent.
Micro-L :
Même s’ils doivent l’ériger contre ceux qui ne suivent pas ?
Peter Thiel :
Surtout dans ce cas-là.