Mon Soutien Psy : le symptôme réduit à la prestation

1. Un tournant gestionnaire du soin psychique
Le dispositif « Mon Soutien Psy™ », initié par les pouvoirs publics français, propose une série de séances de soutien psychologique remboursées, encadrées par un mécanisme de prescription médicale et de forfaitisation. Ce qui, à première vue, relèverait d’une démocratisation de l’accès aux soins psychiques, répond en réalité à une autre logique : celle de la mise au travail du symptôme, selon un régime d’évaluation, de rendement, et de rentabilité des « affections mentales légères ».
2. De la souffrance au trouble : la norme au cœur du programme
Ce qui est visé, ce n’est pas le patient, mais le symptôme répertorié. Le soin se déplace ainsi du champ de la parole vers celui de la catégorisation. Le langage n’est plus ce qui fait événement, mais ce que l’on doit coder pour qu’il entre dans la grille des indicateurs. Derrière les bonnes intentions se profile une conception adaptative du psychisme : il ne s’agit pas d’entendre le sujet dans sa division, mais de restaurer une fonctionnalité psychique opérationnelle. Autrement dit : la parole devient opérateur de performance.
3. Le patient évacué : psychothérapie et discours du capitaliste
Dans un contexte dominé par le discours capitaliste, le dispositif « Mon Soutien Psy™ » incarne un idéal de transparence, de régularité, et d’efficacité. Il ne tolère ni le temps logique, ni l’émergence d’une vérité subjective : tout doit être éligible, traitable, résoluble. La psychothérapie, en tant qu’elle introduit du hors-sens, de l’écart, de l’intraitable, y devient l’ennemi structurel. Ce n’est donc pas par hasard si les praticiens orientés par la psychanalyse se tiennent à distance de ce dispositif.
4. Une mobilisation critique : universités, syndicats, collectifs
Depuis sa mise en place, de nombreux psychologues cliniciens, enseignants-chercheurs et collectifs professionnels (tels que le SNP, ou des universitaires comme Roland Gori) se sont mobilisés pour dénoncer la déshumanisation et la standardisation du soin psychique. Ils pointent l’incompatibilité éthique entre la temporalité du transfert et la logique forfaitaire, entre l’acte clínique et la prescription médico-administrative.
5. Mon Soutien Psy™ : un symptôme politique
Ce dispositif n’est pas un simple outil de remboursement : il est le symptôme d’une transformation profonde du soin. Il traduit une mise en compatibilité de l’écoute avec la gouvernance algorithmique. Le clinicien devient un exécutant. Le patient, un bénéficiaire. Le symptôme, un objet à traiter. Le tout, dans un langage qui se veut inclusif et bienveillant, mais qui, dans son fond, refoule le tragique de la subjectivité humaine.
Conclusion : la clinique à contre-courant
Rester clinicien aujourd’hui, c’est se tenir à contre-courant de cette logique gestionnaire. C’est soutenir que le soin ne peut être forfaitisé, et que le symptôme n’est pas une anomalie, mais une voie d’accès au sujet. « Mon Soutien Psy™ » apparaît alors comme une tentative d’éliminer ce qui fait l’énigme du parlêtre : le fait que sa vérité ne tient pas dans un indicateur, mais dans un dire.
Par Prof. Santé™