Quand une psychologue devient salariée d’un ostéopathe : une structure à questionner

Toute ressemblance avec des situations, des structures ou des personnes existantes ne saurait être que purement fortuite.
À Tokyo, certaines structures privées mêlant soin physique et psychique affichent une organisation en apparence collaborative et bienveillante. Pourtant, dès que l’on gratte l’image, c’est une architecture bien différente qui se révèle : hiérarchique, économiquement floue, et cliniquement problématique. Ce billet s’intéresse à un cas concret — mais volontairement anonymisé — où une psychologue, salariée d’un ostéopathe, semble entretenir un brouillage stratégique entre son statut réel et l’image qu’elle donne à voir dans la communauté.
Structures floues, liens opaques : quand le soin devient une scène
À Tokyo, comme ailleurs, le soin se pratique parfois dans des conditions qui brouillent volontairement les repères symboliques, déontologiques et légaux. Derrière les mots doux, l’écoute bienveillante et l’image lisse du « prendre soin », se trame une économie informelle du lien thérapeutique, où les statuts sont confondus, les responsabilités dissoutes, et l’autorité symbolique soigneusement neutralisée.
Le cas d’une structure thérapeutique privée
Prenons le cas, réel, d’une structure de soin pluridisciplinaire à Tokyo, portée par un ostéopathe français, autour de laquelle gravitent plusieurs professionnelles francophones. Parmi elles, une psychologue française intervient en tant que salariée du cabinet — c’est du moins ce qu’elle formule clairement dans un échange écrit professionnel.
Pourtant, dans les représentations publiques qu’elle construit — via les réseaux sociaux ou au sein de la communauté francophone — cette dimension salariale n’est jamais mise en avant, voire semble gommée au profit d’une image plus libre et autonome, parfois floue, souvent valorisée.
Ce brouillage stratégique — entre un statut juridique formel et une posture sociale idéalisée — interroge profondément la nature du cadre éthique qui fonde l’acte de soin :
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Comment penser la neutralité du praticien lorsqu’il est rémunéré par un autre thérapeute ?
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Quel lien thérapeutique peut se construire dans un espace où le psychologue n’est pas le garant du cadre, mais le rouage d’une organisation thérapeutique hiérarchisée ?
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Et surtout : que devient l’écoute, lorsqu’elle s’inscrit dans un montage économique sans nom, mais très bien orchestré ?
Honoraires, annulation : l’économie en toile de fond
Dans ce type de dispositif, les éléments économiques ne sont jamais réellement invisibles — ils sont simplement neutralisés symboliquement.
Par exemple, dans cette structure, les honoraires sont différenciés selon le statut d’assurance :
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12,000¥ pour les patients disposant d’une assurance internationale,
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contre 10,000¥ pour ceux affiliés uniquement à la sécurité sociale japonaise.
Ce type de tarification, qui pourrait s’analyser comme une discrimination inversée, reflète surtout une logique de rentabilité implicite, masquée sous les dehors du soin personnalisé.
À cela s’ajoutent des conditions d’annulation strictes, énoncées dans le mail de confirmation envoyé aux patients :
« Il est possible d’annuler ou déplacer une séance à partir du lien présent dans le mail de confirmation reçu après une prise de rendez-vous. Toute séance annulée ou déplacée moins de deux jours en avance doit être réglée. »
Cette formulation, aux accents contractuels, vient institutionnaliser la pénalité, là où l’écoute devrait pouvoir prendre en compte l’imprévu, la subjectivité, voire le malaise même qui justifie la demande de soin.
Il ne s’agit pas ici de remettre en question toute règle, mais de souligner à quel point la logique de consommation du soin prend le pas sur une clinique vivante, au risque d’imposer des règles économiques là où devrait s’inventer une relation.
Le soin comme surface narrative
Dans ce type de structure, l’image compte plus que la fonction.
Le soin devient un effet de communication, une mise en scène où les gestes sont doux, les mots ronds, et l’éthique… diluée dans un branding affectif.
Ce qui se joue là, ce n’est pas un simple soin mal cadré :
c’est une forme néolibérale du soin, où l’Autre est remplacé par l’image, où l’autorité symbolique est évacuée, et où le flou fait office de stratégie de captation.
Si cette structure salariale soulève des interrogations légitimes sur le plan éthique, elle ne doit pas pour autant faire oublier une autre dimension, plus discrète mais tout aussi essentielle.
Il serait réducteur d’imaginer que les praticiens intégrés à ce type de structure seraient simplement dupes ou passifs. Dans certains cas, la position occupée dans un dispositif aux contours flous peut répondre à des stratégies d’intégration professionnelle, voire d’ascension sociale. Il n’est pas exclu que l’un tire profit — consciemment ou non — des fragilités narcissiques de l’autre, dans un jeu d’alliances mutuellement utiles où les places se distribuent moins par affinité clinique que par intérêt symbolique, économique ou identitaire.
En guise de conclusion :
Le malaise n’est pas causé par un individu.
Il naît d’un dispositif — ni vraiment clinique, ni vraiment entrepreneurial, mais profondément symptomatique.
Un dispositif où le patient, loin d’être accueilli dans sa division, est invité à consommer une présence rassurante,
au sein d’un système qui parle la langue du soin, mais obéit à la logique du marketing.
Par Prof. Santé™